Le Recueil de la Nuit
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Une belle nuit sans sommeil

~ Une belle nuit sans sommeil ~

Elle est belle cette nuit. Une nuit sans sommeil, certes, avec toujours les mêmes pensées, regrets et autres ruminations mentales hantant mon esprit fatigué. Mais qu'elle est belle cette nuit, avec son voile bleuté et son silence apaisant. C'est comme si le temps s'est arrêté, que tous les malheurs, les angoisses, plus rien n'allait arriver. Allongé sur le côté, le nez pratiquement collé à la vitre, je laissais mon regard se perdre dans le paysage liminal, comme un chien errant librement dans les prés sans sa laisse. Les appartements du village semblent bien calmes ce soir, avec leurs toits blancs de neige et les lumières encore allumées, ces rectangles dorées contrastant avec le bleu de la nuit, et le blanc de la neige.

Et que dire de cette forêt, au loin ? Cette masse informe de conifères, plongés dans une brume, leur conférant une apparence presque fantomatique. A elle seule, cette forêt représente un grand mystère, qu'il y a t'il par-delà la brume ? Par delà le doute et l'appréhension ? Qu'abritent ces arbres, que cachent-t-ils jalousement derrières leurs épines d'émeraude parées de leur manteau opalin ? Du fin fond de mon lit, derrière le vitrage de ma petite chambre, plongée dans l'obscurité réconfortante d'une nuit d'hiver sans sommeil, je ne pouvais qu'imaginer ce qu'il y a au-delà de la forêt, au-delà de mes angoisses, au-delà de la brumeuse anxiété.

Je l'ai fait. J'ai bravé la brume et les sapins, la neige et son froid mordant, l'incertitude et l'angoisse et je l'ai atteint. Le coeur de la forêt. Pendant un temps me semblant tendre vers l'infini, j'ai marché dans la neige, crissante sous mes bottes alors que le vent glacé nocturne soufflait sa froide complainte au visage. Je suis passé devant un nombre tout autant infini d'arbres, gardiens et foyers des sans nul doute nombreux locataires de ce bois, et dont la parure est restée intacte malgré les températures hivernales. Ainsi donc, je parviens au coeur de cette forêt, dans une grande clairière. En son centre, une petite colline avec un imposant chalet posé dessus. Toutes lumières éteintes, la porte d'entrée ouverte. Personne n'était là, comme si... ce chalet m'attendait. Il y fait sombre, la lumière laiteuse de la lune n'illuminant que faiblement par les fins rideaux aux fenêtres. Montant à l'étage, j'ouvre une porte au hasard et...

Je me retrouvais face à un sentiment profond de déjà-vu. Une petite chambre à coucher, avec un grand lit au pied de la fenêtre. On dirait ma chambre dans le village, seul le décor à travers la vitre a changé. Comme si, peu importe où je voulais aller, quels obstacles je voulais braver, tout partirait d'un même point. M'allongeant dans le lit, le nez collé à la fenêtre, mon regard se perd dans l'immense forêt s'étendant à perte de vue, comme si elle n'avait pas de fin. Comme mon périple, en somme. Et c'est sur cette pensée, que lentement je m'assoupis, sachant que je n'avais plus à me soucier de la fin de mon périple, de mon histoire.